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L’entrepreneuriat industriel durable

L’entreprenariat industriel durable

Entrepreneur en voie de disparition

Lancer une entreprise dans ces temps de turbulence est une opération des plus risquée. Plus l’avenir est incertain et plus le risque est grand. Il n’est donc pas surprenant que les candidats entrepreneurs se fassent de plus en plus rares. D’autre part, l’entrepreunariat est une démarche très prenante, elle doit donc mener à des avantages personnels qui justifieront l’effort à consentir. Ces avantages peuvent prendre plusieurs formes.
Dans les sociétés capitalistes, les avantages personnels qui découlent de l’effort d’entreprenariat prennent la forme de la richesse et du pouvoir. La perspective est claire, tu deviens entrepreneur, tu fais des efforts immenses, tu prends tous les risques, tu sacrifies tout, même souvent ta vie de couple et ta famille, mais, au bout de la route, tu pourrais devenir riche et là : c’est la Bonanza! Si tu réussis, tu auras tout, tu feras ce que tu voudras, achèteras ce que tu voudras et surtout les gens t’envieront, ils te respecteront, tu seras estimé, tu appartiendras à la caste des gagnants, des leaders. Cet appel ne semble toutefois plus être aussi bien entendu.
Ainsi, dans cette perspective capitaliste, l’entrepreunariat est une compétition, sa règle de base est libérale et la fin y justifie presque les moyens. C’est une perspective individualiste et cartésienne qui assume que les individus travaillent exclusivement pour leurs avantages personnels, qu’ils génèreront par leur activisme économique une croissance économique nécessaire à l’amélioration de la qualité de vie. Les entrepreneurs seraient les piliers du développement des sociétés, ils en seraient les leviers de croissance.

Entrepreneur en émergence

Dans les sociétés durables, l’entreprenariat sera différent, la recherche de croissance y aura été remplacée par la recherche de consolidation et l’entrepreneur deviendra un consolideur, très différents d’un levier de croissance. C’est presque certainement le futur de l’entreprenariat puisqu’une société durable fonctionnant dans un environnement fini est nécessairement une société qui ne grandit plus, et pour se maintenir sans grandir elle doit se consolider pour faire face au temps.

Pris à l’échelle de la société humaine et de la planète, le besoin de consolidation devient encore plus nécessaire, la société humaine doit cesser de grandir puisqu’elle consomme déjà 150% de ce que la biosphère produit et qu’elle occupe déjà toute la place, en réalité probablement trop de place telle qu’on peut le comprendre en analysant le graphique ci-contre.

Donc pour se développer la société humaine doit cesser de grandir puisque sa croissance génère une destruction de l’environnement, lui qui est essentiel à sa survie tout comme à la qualité de vie de ses citoyens.
L’entrepreneur durable est un consolideur. C’est donc un créatif puisqu’il doit inventer de nouveaux modèles d’affaires pour fonctionner dans un marché animé de critères d’achat qui ne relèveront plus du rationnel Homo œconomicus, mais plutôt du créatif culturel. Il doit inventer des modèles d’affaires qui permettront à son entreprise de faire des profits, élément essentiel pour progresser et évoluer pour innover mais sans pour cela externaliser les impacts environnementaux des activités lucratives.
Dans les sociétés durables donc, le critère de réussite sera relié à la capacité de construire une entreprise et un modèle d’affaires qui répondront aux besoins des clients tout en consommant moins de ressources et en proposant une durabilité, une réparabilité et même une évolutivité toujours plus grande, ça deviendra peut-être un des principaux facteurs de compétition.
L’entrepreneur durable sera donc remboursé de ses efforts par : l’accès à des ressources financières supplémentaires qui lui donneront un pouvoir de consommer supérieur, oui, mais parce que son optique de travail sera la consolidation des acquis sociaux, son estime, sa reconnaissance et son appartenance lui viendront de la reconnaissance de son apport au mieux-être de la société et à l’augmentation de sécurité des générations futures qu’il aura provoquée.

Vers une nouvelle dynamique d’entreprenariat

Dans cette perspective durable, l’entreprenariat est une coopétition voire une collaboration, sa règle de base est sociale et la fin doit aboutir à une réduction de l’impact environnemental de la société par l’innovation. C’est une perspective collectiviste et complexe qui assume que des individus qui travaillent exclusivement pour l’avantage de la collectivité génèreront par leur pertinence économique de la consolidation économique, de l’éthique et de la durabilité. Dans cette perspective les entrepreneurs deviennent les piliers du développement durable des sociétés, ils deviennent des architectes de la durabilité.

Pourquoi prendre l’optique de la durabilité me direz-vous, pourquoi maintenant, pourquoi ne pas attendre ?

À ces questions je propose quatre éléments de réponses :
  • Le premier élément est que déjà, les jeunes démontrent une volonté de travailler pour des entreprises qui prennent leur responsabilité écologique et sociale. Il en résulte que de plus en plus les entreprises devront faire le choix de la responsabilité écologique pour faciliter le recrutement et la conservation de leurs employés.

  • Le deuxième élément de réponse est que l’augmentation de la fréquence des évènements climatiques extrêmes ne fera qu’accélérer cette sensibilité et cette tendance qui déjà existe chez les clients, eux qui questionnent de plus en plus la manière dont les fournisseurs remplissent leurs responsabilités sociales.

  • Le troisième est que la balance commerciale est tellement négative et l’endettement tellement élevé qu’un changement de régime est pratiquement inévitable, alors aussi bien commencer à se préparer dès maintenant, car le changement de paradigme ne peut qu’aller vers la durabilité, les populations étant devenues trop conscientes de l’importance des problèmes pour ne pas exiger qu’on fasse des changements dans ce sens.

  • La quatrième enfin est qu’en Occident, beaucoup d’études nationales qui ont été réalisées en Amérique et en Europe placent le niveau des créatifs culturels, ces consommateurs de la durabilité qui ont déjà changé leurs critères de décision d’achat, se situent déjà entre 30 et 40 % selon les pays et leur pourcentage ne cesse d’augmenter.

Si ma perception est juste, les agents de développement économique devraient déjà commencer à changer leurs critères de sélection afin de cibler des projets selon de nouveaux critères puisque ces derniers ont le plus de chance de réussir et de devenir pérennes. Ils devraient déjà entreprendre de se documenter sur le profil et la nature des projets d’entrepreneuriat durable. C’est la prochaine tendance dominante.

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