Ne vous y trompez pas, l’enjeu n’est pas seulement de savoir si on veut un moratoire ou pas, l’enjeu c’est un choix de société.
C’est le choix que les Québécois doivent faire entre la société de consommation et l’« écohérence* » qui est en train de se faire.
À droite, il y a la société actuelle qui nous vient du passé avec ses spéculateurs, qui en jouant sur la valeur des ressources et des produits, vampirisent les forces vitales dont dispose la société pour s’adapter au changement climatique et respecter notre obligation inéluctable de changer la société en vue d’éviter de rendre la biosphère non viable.
À gauche, il y a une société à inventer dans laquelle le succès de l’économie ne signifiera plus la destruction de la société et l’épuisement de la biosphère, donc une société centrée sur la performance opérationnelle et non pas sur les performances économique ou financière.
À droite, il y a la société de consommation dans laquelle on fabrique des maisons toujours plus grandes abritant des télés toujours plus grandes et des véhicules toujours plus sophistiqués pour répondre aux pseudo besoins les plus extravagants de l’humain, besoins que proposent des médias toujours plus omniprésents.
À gauche, il y a l’émergence d’une société plus mature dans laquelle toutes les énergies seront concentrées pour réduire, par un ordre de grandeur, la consommation de ressources nécessaires pour maintenir notre qualité de vie et cela, en améliorant notre mieux-être.
À droite ou à gauche, où irons-nous ? Ce choix est en train de s’opérer, les prises de position se font dans les deux camps. On tente de nous convaincre, on nous demande de prendre position. Déjà des transformation sont initiées.
À titre d’exemple, mardi et mercredi, j’étais en Abitibi-Témiscamingue pour définir les mesures de rendement d’un projet consistant à implanter une capacité de prospective régionale laquelle capacité permettra de catalyser le développement d’un projet de métamorphose sociale justement visant à assurer le maintien du niveau de vie des gens de la région malgré la réduction forcée de consommation de ressources qu’imposeront la situation internationale et notre niveau d’endettement, typique des pays occidentaux.
Mercredi, j’apprenais que le gouvernement allemand a fait faire une étude sur le pic pétrolier (« peak oil ») et qu’il en étudie les implications géopolitiques afin d’explorer les stratégies nationales applicables. Après les États-Unis et l’Angleterre, l’Allemagne entreprend de faire face à la réalité. Et nous ? Quand le ferons-nous ?
Vendredi, j’ai fait une conférence au congrès de l’Association québécoise du propane. J’ai découvert une industrie qui croit que le « peak oil » est une réalité et qui accepte que leur futur est hautement incertain. Ces industriels sont déjà victimes des spéculateurs qui, comme dans toutes les autres industries, génèrent des turbulences de marché lesquelles leur servent à vampiriser autant les entreprises que les clients. Ainsi, disparaissent des ressources financières qui leur seraient pourtant très nécessaires en ces périodes d’adaptation à grande échelle de la société au nouveau contexte en émergence. Lorsque je leur ai demandé si, pour eux, les gaz de schisme faisaient partie du problème ou de la situation, ils ont voté majoritairement du côté problème. Je vous garantis que ces gens ne sont pas des écolos, mais ça ne les empêchent pas d’être conscients.
Hier, je dînais avec l’entrepreneur qui a mis sur pied Exacad, une firme qui conçoit des moules éco-énergétiques capables de maximiser l’efficacité énergétique dans la fabrication de pièces en plastique injecté. Nous discutions du prix qu’il vient de remporter en développement durable et en innovation pour cette nouvelles perspective écologiquement optimisée. J’ai alors réalisé qu’il travaillait sur cette nouvelle perspective de haute efficacité des moules depuis une vingtaine d’année. Voilà un entrepreneur qui avait vu venir les changements. Combien d’autres sont dans cette situation ?
Et ce soir, j’ai expliqué à André, mon voisin et mon compagnon de marche, combien nous n’avions qu’un choix par rapport aux gaz de schisme et que c’était de ne pas s’y lancer. Premièrement, parce que les dangers sont beaucoup trop élevés, oui, mais surtout parce que nous ne devons plus viser l’objectif de trouver plus d’énergie fossile, mais bien de cesser d’en dépendre et, même éventuellement, de l’utiliser.
C’est comme si toutes mes activités de cette semaine me permettaient de mettre en évidence que le changement, ce n’est plus pour demain comme nous y sommes déjà. Beaucoup plus de gens que l’on ne le pense ont déjà entrepris des changements fondamentaux dans leur mode de vie, dans leur cadre de référence. La société québécoise a commencé à se redéfinir.
Globalement, nous avons deux choix et je ne vois pas comment on peut éviter de choisir.
Si nous acceptons que les gaz de schisme soient exploités, alors nous acceptons que, pour des raisons économiques du présent, de détruire aujourd’hui des actifs et des équilibres écologiques absolument nécessaires aux prochaines générations pour leur permettre d’accéder à une qualité de vie et à un niveau de santé semblables à ceux dont nous profitons aujourd’hui.
D’autre part, si nous décidons aujourd’hui, que notre but c’est plutôt de nous affranchir de notre dépendance envers la consommation, nous empruntons un chemin sûrement moins rentable pour les géants de la mondialisation néolibérale, mais extrêmement rentable pour nos enfants, nous refuserons alors les gaz de schiste. De plus, nous questionnerons avec énergie le pourquoi du maintien de la Loi sur les mines ne servant que les grandes entreprises et leur actionnaires presque toujours au détriment des populations des territoires concernés.
Vous voyez, la révolution de l’écohérence est commencée. Nous avons notre premier choix fondamental à faire et je ne crois pas qu’aucune partie n’est prête à céder. Nous aurons un automne chaud, d’autant que la Conférence sur le climat de Mexico, le COP 16, commence bientôt et cet événement donnera des munitions aux tenants du virage à gauche.
(*Terme protégé (MD) pour en assurer l’intégrité)